CHRONIQUE D'UN CONDAMNE A MORT (3ème épisode)
Joseph ORTEGA
Notre Pit-Bull continue son histoire...
Dans ma jeunesse, j'étais plutôt assez inconscient et pas du tout timide comme beaucoup de chiots d'autres races. Je n'hésitais pas à aller identifier toute nouvelle chose dans mon environnement et dans la rue il fallait que j'aille mettre mon nez partout. C'est ainsi que je me suis fait griffer par un chat alors que je n'avais que des intentions pacifiques.
Une fois, je suis parti à l'aventure à travers la clôture du jardin, jusque dans la cour d'à côté qui était celle de l'école maternelle. Ma mère était désespérée car elle ne pouvait me rattraper et elle aboyait en tentant de passer à travers le grillage.
Lorsque les petits d'hommes sont sortis pour leur récréation, ils se sont précipités sur moi, se disputant pour avoir le privilège de me tenir dans les bras, j'ai adoré ça, j'ai adoré les jeux avec eux. Lorsque mon maître est venu me chercher j'étais fourbu, c'est vrai qu'à trois mois on ne tient pas le coup longtemps.
A la demande des enfants, la maîtresse d'école est venue proposer à mon maître de me laisser jouer avec les enfants. La directrice fondait littéralement devant ma petite bouille ronde, mon nez rose et mes yeux dorés.
Au bout de quelques mois, j'avais vu défiler beaucoup d'enfants, dont certains très dissipés, des "caractériels" comme disaient les maîtresses, qui attendaient qu'elles s'éloignent pour me tirer la queue ou pour m'écraser les pattes ou me mettre les doigts dans les yeux. Cela m'aurait fait mal autrefois mais maintenant j'étais assez endurci pour supporter, il est vrai que notre race a été sélectionnée pour résister à la douleur.
Un jour que ces garnements voulurent appliquer leur traitement au Cocker de l'épicier, qui aimait bien paresser devant le magasin, celui-ci se jeta sur eux pour les mordre méchamment. Heureusement que je veillais sur l'entrée de l'école de mon jardin, lorsque j'ai vu le danger, je n'ai fait qu'un bond pour me retrouver sur le mur du voisin et de là dans la rue où je me suis posté, les dents découvertes, devant leur agresseur. Il a mis sa queue entre les jambes et s'est enfui dans l'épicerie trouver refuge près de son maître.
C'est là que j'ai compris que , même sans le vouloir, notre race présente des caractéristiques physiques et mentales qui permettent de dominer les autres sans aller jusqu'à se battre.
Il est vrai que lorsque mon maître m'a emmené à l'école du chiot, une maternelle comme pour les enfants inventée par un nommé Ortéga, j'ai appris à communiquer avec les autres. Maintenant que je suis grand on m'utilise toujours à l'école du chiot comme "chien régulateur", afin de remettre à l'ordre sans leur faire de mal les chiots dangereux pour les autres.
Lorsque je suis avec les adultes pour l'éducation, je vois des tas de chiens différents, de tout âge et de toute race, ce qui m'a appris à distinguer ceux qui font du cinéma de ceux qui sont dangereux, souvent par peur.
De pauvres chiens que l'on a sélectionnés sur des critères presque uniquement esthétiques comme la couleur du pelage ou les ergots aux pattes arrière et qui souffrent d'hypernervosité ou de timidité maladive. Ce qui n'est pas le cas pour nous qui sommes programmés pour la résistance au stress, et lorsqu'on est sûr de soi on ne craint rien et on n'a pas de raison de montrer de l'agressivité.
Mon maître est sportif et me fait faire des trucs incroyables, à la limite de l'impossible, comme mettre une balle dans un arbre pour que je grimpe sur le tronc en m'agrippant des antérieurs et en poussant avec mes postérieurs.
Il me fait sauter des obstacles d'Agility, je trouve ça très marrant et il a du mal à me suivre car je suis trop rapide pour lui.
Lorsque ma maîtresse va faire une balade à cheval, je suis également de la partie, je trouve ces grosses bêtes un peu stupides mais pas méchantes, plutôt craintives, toujours prêtes à se défendre d'un méchant coup de sabot. J'ai appris à les connaître et je sais comment les aborder pour ne pas les effrayer, j'ai même la permission d'aller chercher l'étalon camarguais de ma maîtresse dans le pré parmi d'autres chevaux, un truc qu'un de mes ancêtres, qui travaillait dans un ranch au Texas avec des chiens bergers australiens pour regrouper les mustangs, avait raconté à mon grand-père.
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